Or donc, voilà que j’atteins maintenant un âge qui est connu pour forcer le respect, parfois qualifié de posé. L’âge où les notaires ne fréquentent plus que les plus fins restaurants et le Rotary. L’âge où les jeunes collègues guettent le moindre frémissement de ma santé en vue de reprendre ma sinécure.
Par la triple conjonction d’une bonne fortune personnelle, de la fée Charter et de Saint Last-Minute, je me retrouve à passer 15 jours dans un établissement qui s’enorgueillit de 5 étoiles à son fronton.
On m’y voit prendre mes aises, déambuler d’une démarche chaloupée mais non moins assurée, entouré des prévenances d’un personnel attentif et fort nombreux. Cette fois, c’est sûr, la réussite sociale est une réalité.
Mais voilà l’heure du repas. Alors que nous nous dirigeons, avec un train fort digne, vers le restaurant, nous nous faisons doubler par une escouade de petits malappris qui après avoir fait moult tapage, se rue sur le buffet et s’accaparent tout le spaghetti bolognaise dont j’envisageais de me repaître moi-même.
Ciel! Etait-ce donc là le signe demandé à Zeus (voir un épisode précédent)? Et Zeus me punissant pour l’avoir vulgairement convoqué à ma table, m’aurait-il transporté dans une colonie de vacances plutôt qu’à m’accorder un festin de pierre?
Est-ce un châtiment pour avoir tenté d’approcher d’un peu trop près son auguste retraite sur les pentes du Mont Olympe?
Non, je persiste à croire que deux et deux sont quatre, et que quatre et quatre sont huit.
L’explication doit être ailleurs. Quelques notables locaux auront dépensé sans compter pour envoyer les petits protégés du Lion’s Club passer quelques jours de vacances pour voir cette mer qu’ils n’avaient jamais approchée. C’est émouvant.
La larme encore à l’oeil mais l’oreille toutefois aux aguets ne me permet pas de me rendre compte que les petits défavorisés ne parlent pas grec. Que parleraient-ils donc? Dans les phylactères liés à leur bouche, ce sont pourtant des caractères fort semblables aux lettres grecques que je distingue.
Tout s’éclaire lorsque je chausse mes lunettes et que je lis sur les tee-shirts des uns et des autres
Kids Club
www.kids-k4.ru
Tout fout le camp (de vacances).
De mon temps, les parents envoyaient leurs mômes dans des camps « nature ». Que je sache, les parents des scouts -même ceux de la 25ème-, envoient encore maintenant leurs enfants s’endurcir sous la tente, qu’il vente ou qu’il pleuve.
Là, non. Ces parents-là ont envoyé leurs rejetons dans un camp de vacances 5 étoiles. Ils n’ont toutefois pas réclamé le maître d’hôtel en livrée pour les servir à table; mais nous ne sommes pas passés loin.
L’Europe Occidentale va donc bien mal. Elle qui voit les parents s’entêter à envoyer leur progéniture en vacances à la dure.
Mais pourquoi n’auraient-ils pas aussi droit au service 5 étoiles? Même avec Maître d’Hôtel et quelques laquais pour les reconduire à leur chambre. Sans cela, j’affirme que l’Europe Occidentale sera bien mal partie.
Donnons aussi une chance à nos enfants. Envoyons les en vacances à Versailles, menons les en Bentley à Beersel, envoyons les chiner à Chinon.
Le Monde a bien changé, mais rien de bien intelligent ne sortira encore de ce blog aujourd’hui. Fort, bien sûr, les commentaires de ses lecteurs et correcteurs attitrés dont la fidélité force le respect.
Terre des Hellenes 